• L'Aïd au Maroc 2



    Je poursuis ces carnets du Maroc
    entamés hier avec aujourd'hui la mort de Saddam en direct depuis un café popu
    de Fès, la fête du mouton mais avant on revient sur la ville de Rabat, capitale
    du Maroc, déjà évoquée à travers la manifestation contre la hausse des prix.



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    RABAT JOIE ET RABBAT LES FRONTIERES !!!!



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    Un matin, je lis la presse en
    terrasse avec un café. Une femme s'approche de moi avec un bébé dans les bras,
    l'autre dans le ventre, une mendiante ? Nan Céline ! Une ancienne
    collègue de Oui FM qui elle aussi après les désillusions d'une radio dite
    « insolente » avait eu envie de partir loin. Mayotte, pendant 3 ans
    et là voilà au Maroc depuis septembre avec son mari qui travaille dans le bâtiment
    dans une filiale de Bouygues qui aménage le palais royal et s'occupe du nouveau
    tramway de Rabat... Ca fait toujours plaisir de croiser quelqu'un de connu quand
    on est seul en voyage. A chaque fois que je pars, j'approche ce milieu qui
    existe dans beaucoup de pays : Les expats' ! Etudiants, ici
    travailleur, ils forment souvent une petite communauté à part qui recrée une
    atmosphère française en terre étrangère (et/ou occupée...). Même si je suis
    critique à l'égard de ces français de l'étranger, ça fait toujours plaisir de
    se retrouver dans un lieu familier.



    Céline et Franck m'invitent à
    manger le 25 décembre au soir (merci à eux pour cette tite soirée
    tranquille !), je découvre un quartier résidentiel à la sortie de la ville
    avec des villas alignées, style série américaine. Le contraste est marquant
    avec la médina de Rabat, sa pauvreté, son commerce informel ! Mais quelle
    médina celle là, les guides touristiques conseillent d'éviter Rabat qui est
    avant tout la capitale institutionnelle (instaurée par Lieutey dans les années
    20, la capitale historique du pays est Fès) mais quel dommage de passer à coté
    de la rue Soukiya au cœur de la médina ! Comme toujours, l'animation est
    là, les sens sont sans cesse chahutés mais à Rabat, mention spéciale pour le
    son du souk, ça gueule ça braille, ça joue de la musique, ça diffuse la radio,
    ajoutez à cela, le muezzin, mon mini disc était au bord de la jouissance...



    Sur une route qui borde la
    vieille ville, un type me fait « wesh pélot ! ». Un
    lyonnais ! On commence à discuter et de fil en aiguille il me raconte son
    histoire. Partit en France plus ou moins clandestinement, il s'est marié à Lyon
    et a une fille. Il a passé 5 ans dans la région lyonnaise, il a enchaîné
    vendange, cueillette des fruits et puis il s'est séparé de sa femme, il a donc
    été de foyer en foyer et puis il a été expulsé « après les
    évènements » (les émeutes de novembre 2005) sans que j'arrive à cerner
    précisément le lien de cause à effet. Il y a 8 mois donc c'est en charter qu'il
    a atterrit à Casablanca sans une tune me dit il. Il a rejoint sa famille à
    rabat et il loue une petite chambre dans la médina pour quelques dirhams par mois. Il me dit que
    la réadaptation est dure, qu'il se sent étranger ici mais que insha allah il va
    arriver à faire quelque chose dans ce pays mais si c'est dure de
    « repartir à zéro... »



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    L'AÏD DE SADDAM !!!!



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    France 24,
    la nouvelle chaîne française internationale d'information annonce « c'est
    la fête de l'aïd » ! Traduction la fête de la fête ! Aiwa !
    L'opinion, quotidien marocain en langue française nous explique que la fête du
    mouton dans le monde musulman coïncide cette année avec le nouvel an dans le
    monde chrétien et que c'est une bonne chose, tout le monde se rassemble en même
    temps. Je ne savais pas que le nouvel an était une fête chrétienne ou alors
    c'est l'aïd el kébir qui plus une tradition qu'une fête religieuse....



    En tous cas
    depuis que je suis arrivé au Maroc, on s'arrache les derniers moutons sur les
    marchés prévus à cet effet. Hafid me dit « le salaire au Maroc, pour ceux
    qui en ont un, est de 2000 dirhams (200 €), un mouton coûte 2500 dirhams »...
    Badri, rencontré à Tanger, accélère les exécutions dans sa « terrasse
    ferme », un lapin, deux poules, pour les vendre et pouvoir acheter un
    mouton qu'il va tuer aussi. Comme on l'a vu Hafid, lui est plus marxiste
    qu'islamiste donc il en a pas acheté mais il va quand même rejoindre sa mère et
    ses frères et sœurs à Fes et il me convit pour quelques jours dans sa famille.
    On prend donc un train vendredi 29 décembre de Ksar el kébir pout Fès. Vue que
    c'est la fête tous les transports sont saturés, dans le train on est serré
    comme des sardines, Hafid tente une comparaison historique que je ne répèterai
    pas de peur d'avoir un procès de Finkelkraut et un soutien de Dieudonné.



    Mais c'est
    un porc qui meurt 24 heures avant les moutons. Le 30 au matin, Hafid retrouve
    les amis avec lesquels il a grandit dans le café du quartier Ain kadous de Fes.
    Café typique : que des hommes qui enchaînent toute la journée
    café-clope-thé en faisant des mots croisés avec en fond sonore une télé
    branchée sur aljazeera. La présentatrice annonce l'exécution de Saddam avec les
    images que vous avez sans doute vue aussi. Tout le monde va de son commentaire
    « c'est une insulte aux arabes », « les américains sont des
    fascistes », « c'est normal il a tué trop de gens »,
    « c'est normal, un chef doit tuer des gens pour se faire respecter, sinon
    c'est le désordre »... Un mec bourré rentre dans le bar, crache sur la télé
    et crie « c'est un avertissement pour tous les rois du monde arabe ».
    Bref la grande majorité condamne cet acte même s'ils ne soutiennent pas saddam.
    Rien de très étonnant, on me demande ce « qu'en pense <st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName> ». Je réponds
    que pour moi Saddam n'est pas le problème et que pendant qu'on nous bassine
    avec ça, on continue d'occuper l'Irak <st1:PersonName productid="la Palestine" w:st="on">la Palestine</st1:PersonName> etc... Al jazeera montre des images d'une
    manifestation de joie d'une bonne vingtaine de chiites à Bagdag. On était 200
    fois plus nombreux, la chaîne du Qatar n'était pas là...



    Après 4
    heures à commenter l'évènement, à voir passer et repasser les mêmes images, on
    rentre à la maison, où la mère et la femme d'Hafid ont sagement préparé le
    repas... On s'assoit, les plats viennent à nous, le frère d'Hafid allume la télé,
    les femmes découvrent la nouvelle. La mère d'Hafid pleure devant les images ou Saddam
    a la corde au coup. Ses fils l'engueulent en lui disant qu'il en a tué des milliers
    comme ça. Elle répond que « ce n'est pas parce qu'il est arabe, ce n'est
    pas parce qu'il est musulman, mais parce que c'est un homme, on ne doit pas
    faire ça à une personne ».





    Le
    lendemain, c'est au tour des moutons d'y passer et cette fois dans la joie. La
    mère d'Hafid a acheté un beau mouton, avec qui j'ai un peu discuté les 2 jours
    avant la fête. Il était plutôt sympas et drôle mais complètement muet, la
    baignoire de la maison lui a servit de couloir de la mort. Le 31 au matin,
    c'est sur la terrasse que ça se passe.



    Il faut
    rappeler, que l'aïd el kébir (la grande fête) intervient 40 jours après la
    petite fête (la fin du ramadan), que les familles musulmanes
    « sacrifient » un mouton comme l'a fait Ibrahim (Abraham). La légende
    raconte, qu'Ibrahim a eu un rêve divin où Dieu lui disait de tuer son fils. Le
    lendemain alors qu'il allait passer à exécution, Dieu lui a offert un mouton
    pour qu'il ne tue pas son fils mais un mouton. Morale, il faut obéir à Dieu
    même si c'est absurde. Moral alternative, heureusement qu'un mouton est passé
    par là au bon moment sinon c'était la fin de l'humanité (merci Témmy de ksar).



    (Attention
    paragraphe pouvant heurter végétarien et antispécistes...)



    On monte donc la bête sur la
    terrasse, vue que je l'ai informé du sort qu'il lui était réservé, il a su se
    résigné et n'a opposé aucune résistance. Toute la famille est réunit, même la
    petite Aïa, la fille de Hafid qui a deux ans va observer le spectacle d'un œil
    amusé... On couche le mouton sur le dos, on lui tient les pattes, et Jaoued, qui
    va de terrasse en terrasse pour faire le bourreau dans les familles ou le père
    n'est plus là, sort son couteau et tranche la gorge du mouton qui pendant cinq
    minutes va bouger et se vider. On lui coupe ensuite la tête, on fait une petite
    entaille dans la jambe, dans laquelle on souffle pour gonfler l'animal (pour
    décoller la peau et l'enlever plus facilement). On enlève la peau, on ouvre la
    bête, on sort le gras qu'on lave et qu'on met à sécher comme une serpière. On
    enlève les abats en premier qu'on lave aussi et on laisse le corps du mouton
    reposé un jour pour qu'il se détente.



    Le premier
    repas se fait donc de brochettes de cœur et de foie, bien grillé c'est pas
    mauvais. On les fait cuire sur un petit foyer de charbon qui enfume tous les
    jours depuis aux heures des repas, les ruelles des quartiers. On mange aussi
    l'estomac (j'ai moins aimé) et puis le lendemain on découpe la viande et on
    attaque les cotes. Bref pendant 2 jours c'est mouton à tous les repas. Même si
    j'aime bien cette viande, j'avoue que je suis arrivé près de l'over dose !
    Amis végétalien, vous pouvez rouvrir les yeux.



    Voilà, je
    n'ai pas vu de prière, rien de religieux mais une vraie fête familiale ou
    pendant 3 jours, on se rend visite, on revoit les amis, 3 jours où on ne
    travaille pas, c'est férié, c'est la fête et ça me parait bien plus
    traditionnel que religieux finalement, un peu comme le nouvel an ?



    <o:p> </o:p>



    Vous aurez droit à un
    dernier carnet d'roots de ce petit séjour marocain à mon retour en France,
    d'ici une semaine... Biz à vous, donnez moi de vos nouvelles et comme on dit Aïd
    Mabrouk !




  • Commentaires

    1
    Karine
    Mardi 16 Janvier 2007 à 21:43
    L'Aïd côté tamtout (femme)
    Pour la fête du sacrifice (Tafaska en berbère) nous sommes invités à Merzouga, bled tranquille aux portes du désert, dans la famille d’Omar Amalouk, un ami rencontré lors du précédent voyage. Ce jour là, nous nous réveillons dans le désert, une petite auberge le long de la piste qui relie Zagora à Merzouga. Nous traînons dans ce paysage minéral et silencieux. Le calme est bienvenu après 3 jours dans une famille. Nous préférons, il faut l’avouer, éviter le spectacle sanglant de l’égorgement des moutons. Louison, 11 ans, c’est sûr, ne mangera pas de mouton et Omar n’assiste jamais au méga sacrifice annuel. Alors ça roule… Nous arrivons au bled vers 16h. Chaleureuses retrouvailles avec la famille ! La belle-sœur d’Omar est en train de laver quatre têtes de moutons dans une bassine devant la maison. Mama, la sœur aînée, prépare le méchoui dans la cour intérieure. Je l’aide à badigeonner le corps de l’animal d’huile parfumée au safran et aux herbes. La viande est disposée dans un grand plat métallique. Plus tard, elle sera cuite dans le four à bois du boulanger du quartier. Ici c’est quatre bêtes qui ont été tuées en regardant la Mecque. Un mouton pour chacun des deux fils, les deux autres sont pour les filles et les parents…Le prix d’un mouton en période d’Aïd peut atteindre 2500 dirhams, l’équivalent d’un salaire de base ! Les Amalouk semblent assez aisés à moins qu’ils ne se soient privés depuis des mois pour cet achat !? Bref, je me demande aussi comment ils vont conserver toute cette bidoche sans congélo ! Je verrais quelques jours plus tard les côtelettes enduites d’épices en train de sécher sur les toits terrasses. « Le jour de l’Aïd tu peux entrer dans n’importe quelle maison et te faire offrir le thé ! » m’avait-on dit. Mama me propose de l’accompagner, elle va rendre visite aux voisins, aux proches, leur souhaiter un « heureux Aïd ». Avant de quitter la maison, les femmes m’emballent de la tête aux pieds dans un long foulard noir brodé de fils de laine aux couleurs vives comme portent toutes les berbères du sud (vers Zagora ce sont plus des perles colorées). Voila donc Batwoman au bras de Mama dans les rues de ce chouette quartier du village tout en pisé. Nous croisons d’autres personnes : regards indifférents (camouflage réussi), curieux, amusés ou moqueurs. Mama frappe à une porte en fer « skoun ? », une femme nous ouvre, nous pénétrons dans le salon où plusieurs femmes sont déjà installées sur les tapis, coussin dans le dos, verre de thé à la main. Les salamalecs débutent. Les quelques mots arabes plus les gestes de salutation appropriés, je m’embrouille un peu ! Alors : toucher la main de l’autre puis se déposer un baiser sur sa propre main pour les jeunes femmes ; la bise à celles que l’on connait bien mais attention, une bise sur une joue puis deux ou trois successives sur l’autre joue ; pour marquer le respect à une femme plus âgée, on lui touche la main puis on attrape doucement cette main que l’on embrasse du bout des lèvres, la mamie fait pareil…Enfin, c’est ce que j’ai observé et essayé de reproduire. Ajoutez à cela un peu d’arabe pour dire : ça va ? bien ? la famille ? moi ça va très bien ! et encore « Aîd moubarak saïd (joyeux Aïd ) » doublé d’un « Sana saïda (heureuse année) ». Un fonds de variété libanaise ou égyptienne ou parfois un groupe de musique berbère qui braille depuis le meuble où trône la télévision et le lecteur dvd. Et tout cela après avoir dévoilé mon visage et mes vêtements de romia (européenne)…Vous trouverez une assemblée féminine hilare ! On se moque chouia de moi mais qu’est-ce qu’on rit ! Le thé sec, sheeba ou plus rarement safran…Les gâteaux variés, les cacahuètes et les amandes, d’autres délices sucrés à picorer… L’effet de surprise dû à ma présence passé, ces dames entrent très rapidement dans des conversations animées. J’observe. Comprends pas grand-chose ! A peine mon verre terminé, la femme préposée au thé m’en verse une autre rasade. « Tich, tich !» me dit-on sans cesse en me tendant les assiettes. Puis c’est un flacon de parfum fleuri que l’on me donne, chacune s’en est déjà aspergée un peu. C’est la fête aujourd’hui ! Je dis à une jeune fille quelle est jolie « zouina ». Elle porte une robe à faire pâlir Barbie de jalousie tant elle est brillante, rose et satinée ! Justement il semble que le principal sujet de conversation tourne autour des nouvelles fringues qu’elles se sont achetées pour l’Aïd. Nous, nous avons les cadeaux de Noël au Maroc ils ont les habits de l’Aïd ! Le matin ce sont les hommes qui se baladent dans leurs nouvelles sapes histoires de frimer un peu au café ou chez les amis. Mais après les préparatifs culinaires, en fin d’après-midi, ce sont les femmes qui s’habillent et s’invitent chez les copines. Alors forcément ça cause chiffons ! C’est là que j’ai compris le top fashion du moment, à Merzouga en tout cas, c’est la robe de chambre en velours. Le pyjama ou la djellaba d’intérieure semblent assez prisés eux aussi. Moi qui me demandais à quelle heure Mama allait s’habiller… Alors, comme ça, nous avons visité 6 ou 7 maisons…thé, gâteaux, parfum, musique, fringues, rires surtout ! A la fin nous refusions le thé et les gâteaux mais elles parlaient toujours sapes. Nous sommes rentrées, je me suis mise en jupe longue en velours…pourtant elles n’ont pas semblé remarquer mon effort vestimentaire. J’aurais dû opter pour mon pyjama rose ? Nous avons commencé le repas par des brochettes. Beaucoup plus tard je suis allée chercher le méchoui cuit avec Omar. Bien sûr, les invités dont nous faisions partie, ont mangé en premier la viande dorée et chaude dans le salon des deux fils de la famille. On a même bu un peu d’alcool pour fêter l’occasion, fumé beaucoup d’zetla comme tous les jours. Je me suis inquiétée de savoir ce qu’allaient manger les autres, c’est-à-dire les femmes, les enfants et le chibani mais la question est restée sans réponse. Lorsque je suis allée dans l’autre salon après le repas, ils mangeaient ce qu’il restait du méchoui, froid ! Normal ! Sinon comme d’habitude, la télé allumée, les filles et les enfants sous les couvertures d’autres qui bossent encore…pas une ambiance très différente des autres soirs. De la famille arrivera le lendemain et donnera une note plus festive… on mangera encore du mouton chaque jour. Voilà, une fête tranquille à Merzouga. Les femmes bossent, un peu plus que les autres jours mais elles se marrent un peu plus que les autres jours aussi. Y a pas à dire pour l’Aïd, faut se payer un mouton sinon c’est la honte sur la famille et puis si en prime tu peux t’habiller neuf, c’est la baraka ! Le prochain voyage au Maroc j’amène une belle robe de chambre à Mama inchallah ! B’slama Karine
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