• L'aïd au Maroc

    Quand Karine et Thierry,des potes auvergnats rencontrés il y a quelques années au caire m'ont dit
    qu'ils descendaient au Maroc et qu'il restait une place dans leur voiture
    j'ai pas mal hésité et puis voilà je suis partit un peu précipitamment...
    Donc comme d'hab lors de mes virées, je vous envoie quelques nouvelles,
    descriptions, et analyses plus ou moins surfaites, histoire de palier mon
    manque d'expression radiophonique. Il y'aura 2 autres mails comme celui là
    donc dites le moi si vous n'en voulez pas !!!
    J'ai donc rejoins l'auvergne le mardi 18 décembre, pour partir le 19 au
    matin dans le 4x4 landrover de Karine Thierry et leur fille Louison. Et
    oui alors que je milite contre les 4x4 à lyon, j'en prends un pour aller
    au Maroc, vous pouvez rire ! Après 2 jours de route avec thierry au
    volant, ancien routier, infatiguable, on a pris un bateau depuis Al
    géciras au sud de l'Espagne pour ceuta (sebta en marocain) enclave que
    l'Espagne occupe toujours quelques dizaines d'années après les
    indépendances. Depuis Sebta, on a rejoins Tanger !

    ATTENTION TANGER !
    Tanger, « la tengeante » comme le dit Ben Jelloun écrivain marocain natif
    de la ville, Tanger l'internationale de part son statut entre 1925 et
    1956, où elle était partagé, occupé par neuf pays (France, Espagne,
    Portugal, Etats-Unis, Royaume Unis, Pays bas, Belgique, Union Soviétique
    et Italie). Depuis 1956, la ville est de nouveau marocaine mais elle
    reste très internationale. Frontière stratégique entre le Nord et le sud,
    l'Europe et l'Afrique, on y parle l'arabe, le berbère mais aussi le
    français l'espagnole, l'anglais, le woloof... Et puis les grandes
    puissances y ont toujours de l'influence à l'image de la construction
    d'un énorme port (Port Tanger méditerranée), entre Tanger et Sebta, où
    les travaux ont débuté il y a quelques mois sous la haute direction de ce
    cher Martin Bouygues et de ses sous traitants, travaux qui il faut bien
    l'avouer sont en train de dénaturer complètement le paysage côtier, cotes
    qui ont été fortement rabotées !
    Tanger, ville dangereuse nous dit le guide du routard (pas avare en
    préjugés parfois carrément raciste), car c'est la ville de tout un trafic
    : drogue (le rif, où est cultivée les ¾ du hashich fumé en Europe est à
    quelques pas), immigration bien sur etc etc... Mais quelle ambiance dans la
    médina, comme dans toutes les médinas arabes évidemment mais avec
    quelque chose en plus.
    Je me ballade avec mon micro dans les ruelles de cette médina tentant de
    décrire ce que je vois, ce que je sens et je tombe sur Badri à qui je
    pose quelques questions. Il me dit « viens on va discuter tranquille ».
    Quelques ruelles parfois larges de moins d'un mètre plus loin je me
    retrouve dans une petite piaule où il crèche avec deux poulets qu'il
    tuera et vendra pour se payer un mouton... Badri, a un look de mafioso
    dans ces rues, des chaussures genre en crocodile, entre babouches et
    santiagues, la tête levé, le joint à la bouche, il est interpellé à
    chaque coin de rue, il connaît tout e monde et arpente ce quartier
    fièrement... Il a aussi une terrasse sur un toit qu'il a tranformé en
    véritable ferme (poules, lapins, oies...). On discutte, je lui dis que je
    veux faire des reportages et il me dit que si j'ai une caméra, il me
    montre comment vive les « milliers » d'africains, en attente d'un départ
    pour l'europe dans la foret à la sortie de tanger, comment la police
    marociane s'occupe d'eux et tout et tout... Je lui explique que moi c'est
    la radio mais que je suis interressé pour rencontrer des africains. Je
    retourne donc le voir après quelques jours à Rabat et il me présente
    Torresf.
    Torresf est nigérian, il vit dans la médina de Tanger depuis 5 ans. Il y
    a plusieurs années il a quitté le Nigéria pour la Lybie puis l'Algérie et
    le Maroc avec sa femme. Après quelques temps il obtenu un visa de travail
    pour l'Espagne et il a fait sa vie là bas. 5 ans, 2 enfants et des petits
    boulots plus tard, il se fait prendre dans une histoire de Cannabis.
    Résultat : expulsion et 5 ans d'interdiction du territoire. C'était il y
    a 3 ans, depuis il vit dans des petits hotels de Tanger en attendant «
    une nouvelle occasion » de rejoindre sa famille à Barcelone. Il ne veut
    pas retourner au nigéria car il reviendrait « perdant » (sans argent sans
    famille, sans rien) et surtout il veut rejoindre sa femme et ses 2
    enfants.
    Mais c'est pas facile à Tanger et on ne fait pas de reportage comme ça,
    il me demande 50 euros pour une interview au micro, vue qu'on parle dans
    une sorte d'anglais internationale et qu'il faudrait aussi payer un
    traducteur pour faire un truc bien (et que je n'ai pas l'habitude de
    monneyer des interviews) on laisse tomber. Mais on passe plusieurs heures
    et soirée avec lui, Badri et son frère dans la piaule à refaire le monde,
    parler du maréchal lieutey qui a eu « du mal à vaincre le rif » (au début
    de l'occupation franco espagnole dans les années 10 et 20, il aura fallu
    14 ans et la mobilisation et près d'un million d'hommes pour vaincre la
    résistance du rif, encore une guerre qui ne dit pas son nom et qu'on
    apprend pas à l'école), de Sarkosy, de Féla Kuti de bob Marley le tout en
    buvant du thé et en fumant des pétards...
    Bref dans cette piaule, Torresf pour l'Afrique noire, moi pour
    l'occident, et Badri et Abdelatif entre les deux, à l'image du Maroc
    coincé entre le Nord et le Sud : Une population pauvre, des dirigeants
    qui se veulent des partenaires « à égal » avec l'Europe et les Etats-Unis
    et qui font comme les notres, ils expulsent ! Quand je suis à Rabat, la
    radio Médi 1 (le RFI du magrehb) annonce une rafle de plus de 200 «
    subsahariens » en situation irrégulière ils sont expulsé par bus jusqu'à
    la frontière algérienne, au milieu du désert... C'est les suites du dernier
    sommet euro méditerranéen et des accords signés entre le Maroc et
    l'Europe. Mais le Royaume oublie que ce sont aussi beaucoup de marocains
    qui veulent l'Europe...

    LES MARXIENS DE LA PLANETE MAROC
    Karine Thierry et Louison rejoignent des amis dans le désert marocain,
    moi je veux rejoindre le sahara occidental via Casablanca où j'espère
    renconter un journaliste qui doit me rancarder sur la situation là bas
    (le sahara occidental réclame son indépendace au Maroc occupant depuis
    1975...). Nos route se séparent donc le 23 décembre à Larache où je prend
    un bus pour Casa. Dans le bus je fais la connaissance de Hafid, jeune
    ouvrier d'une entreprise allemande de chaussures qui a délocalisé au
    Maroc. Je lui demande comment se prépare l'aïd el kébir (grande fête
    musulmane, la fête du mouton qui doit avoir lieu le 31 décembre...) Il me
    dit « nan nana moi marxien, tu connais marx ? ». Un marxien ! de la
    planète marx ! AIWA (oh yeah). Il se rend à Rabat pour une manif contre
    la hausse des prix des produits quotidiens et il m'invite chez lui à Ksar
    el kébir (entre Tanger et Rabat). Bref je décide de voir cette manif à
    Rabat et laisse tomber le sahara occidental (trop pas assez rancardé sur
    le sujet, trop loin, trop seul, et trop dangereux pour les journalistes
    selon le monde diplo..., prochaine fois insha allah).
    Le lendemain 10h, Bab el Had à Rabat se dressent des drapeaux à l'effigie
    du Che, de Marx, de lénine, des drapeaux rouges de la voix démocratique
    (le pc marocain) mais aussi d'attac avec des jeunes excités qui font de
    la musique et distribuent un petit journal « un autre maroc est possible
    ». Ce sont 4000 personnes selon moi, (5000 selon les orgas, 3000 selon la
    presse...) qui défilent jusqu' au parlement avec des slogans comme «
    étudiants, chomeurs, paysans, travailleurs, tous unis contre
    l'exploitation, le capital et la manipulation ». Bref une manif
    communiste au Maroc je m'attendais pas à ça. Outre l'augementaion des
    prix, la manif avait pour but de dénoncer les innombrables privatisations
    que connaît le maroc ces temps (les entreprises de services publics sont
    racheté par France télécom et vivendi en tête !). Une manif qui
    ressemblait beaucoup aux notres (avec moins de police – sic – et beaucoup
    plus festive !), et comme me l'a dit un militant d'attac au micro « c'est
    l'élite du monde associatif qui est dans la rue », pas vraiment
    représentatif non plus du peuple.
    Après un retour à Tanger, je rejoins Hafid chez lui à Ksar el Kébir. La
    je rencontre ses amis militants. Ksar, la capitale des militants, c'est
    vrai qu'il y'a l'air d'avoir pas mal de mouvements ici. Said qui fait
    partit de l'AMDH (Association Marocaine pour les Droits de l'Homme)
    m'explique que dans cette région très fertile, les paysans ont été
    exproprié de leur terre et qu'aujourd'hui ici on produit des fraises qui
    sont ensuite envoyé clandestinement en Espagne où elle reçoive un tempon
    « made in spain » pour les subventions de la PAC (je shématise parce que
    j'ai pas toutes les infos dans ce cyber). Par ailleurs on trouve ici pas
    mal d'usines comme celle de Hafid où on fabrique des chaussures de luxes
    pour une entreprise allemande. Le prix d'une paire correspond au salaire
    mensuel d'un ouvrier. Et puis c'est une ville où tout le monde veut aller
    en Europe. Pratiquement une personne sur deux qui nait ici part vivre en
    Espagne (chiffre de Youssef, un des militants...) Bref une ville un peu
    particulière ou je recontre et interview des membres de l'AMDH, de
    l'association nationale des diplomés chomeurs (je rencontre que ça
    pratiquement) tous ou presque membre de la voix démocratique (issue de
    l'ancien « en avant » organisation communiste clandestine sous Hassan 2
    et fortement réprimée). Ils se réunissent dans un local ou on trouve des
    livres et surtout beaucoup d'alcool et où on refait le monde, ils
    organisent des manifs mais pas grand-chose d'autres, le systhème marocain
    est bien ficelé, ici le droit du travail correspond pratiqument au notre
    avant 1936, la lutte est dure et le combat qu'ils mènent (plus de droit
    pour les travailleurs, du travil pour les diplomés...) parait un peu
    déplacé dans un pays ou la majorité des gens sont pauvres et travaillent
    dans un commerce informel. Leur disours est aussi très bureaucratique
    (lors des interview il me demande s'ils doivent répondre à titre
    personnel ou au titre du partit...), il ne me croit pas énormément quand je
    leur dis que la liberté d'expression est un leurre en France (et c'est
    normal), ils sont étonné également quand je leur dis que le combat contre
    le CPE a été pour moi une défaite (là aussi, en voyant 3 millions de
    personnes dans la rue, c'est normal) mais on a des connaissances en
    communs, les réseaux se tissent et donc la révolution internationale est
    en marche, y'a pas de doute !!!!

    Voilà une fois de plus je suis long et en plus je remet ça demain pour
    vous parler de Rabat et de l'aïd el kébir... Biz à Vous tous on da CHOP !
    Bislama !



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